Histoire Des Libertines (19) : Marie D’Angleterre, SœUr De « Barbe Bleue » Et Éphémère Reine De France.

Marie d'Angleterre, Mary Tudor (1496-1533) est la fille cadette d’Henri VII et la sœur du fameux Henri VIII le roi « barbe bleue » aux six épouses, dont nous aurons l’occasion de reparler.

Marie est un personnage « mineur », mais intéressante par la liberté qu’elle s’est accordée. A cause d’elle, François Ier, qui en fût amoureux, faillit ne jamais devenir roi de France.

Son acte de défi fut sans aucun doute son mariage avec Charles Brandon, duc de Suffolk, contre la volonté de son frère Henry VIII et en renonçant au royaume de France.

La vie de Marie, sœur préférée d'Henry VIII, est captivante. La naissance d'un fils de Louis XII aurait changé le cours de l'Histoire européenne. Son mariage avec Brandon fit de cette princesse destinée à être reine ou impératrice une duchesse oubliée dans son Suffolk, où son action fut des plus importantes pour la population.

Elle est d'abord promise en mariage à Charles Quint, futur empereur romain germanique. Elle épouse finalement le 9 octobre 1514 à Abbeville Louis XII, roi de France, qui la laisse veuve après quelques mois de mariage et dont elle n'eut pas d'. En 1515, elle épouse en secondes noces Charles Brandon, duc de Suffolk.

UNE JEUNE FEMME EPANOUIE ET AMOUREUSE

Marie est une jeune femme épanouie, pourvue des manières les plus exquises, pleine de vie et de charmes. Très vite, Marie apparaît de nature « amoureuse », séduisante et coquette.

Elle est très proche de son frère, Henri VIII, ainsi que du meilleur ami du souverain, Charles Brandon, avec qui elle passe son enfance et sa jeunesse.

Dans une cour d’Angleterre fort dissolue, qui suivait allègrement l’exemple donné par le souverain, elle montra vite des dispositions pour tous les plaisirs.

Elle s’est entichée de son compagnon de jeunesse, Charles Brandon, duc de Suffolk, un colosse barbu. Ce grand séducteur a déjà eu deux femmes, et il est difficile de savoir si cet ambitieux répond à l’amour de la princesse parce qu’il partage ses sentiments, où parce qu’il y voit les clés de son ascension.

Probablement les deux. Quoi qu’il en soit, Marie est folle amoureuse de lui.

Né vers 1484, Charles Brandon est un parvenu, dont le père, William Brandon, fut tué au cours de la Guerre des Deux Roses, à la bataille de Bosworth en 1485. Orphelin, il devint le compagnon du prince Arthur, puis d'Henri, partageant tous deux leur passion mutuelle pour la chasse, l'équitation, la joute, le jeu de paume et toutes les activités physiques de futurs guerriers.

Charles Brandon fut, après le Cardinal Wolsey, l'homme politique le plus influent en Angleterre dans les débuts du règne d’Henri VIII. Son ascension, comme celle de nombreux compagnons d'Henri VIII, fut fulgurante, les faveurs arrivant presque automatiquement et fréquemment sans être sollicitées.

Courtisan préféré d'Henri VIII, il fut fait duc de Suffolk en 1514, en héritant du titre et des terres confisquées d'Edmund de la Pole, emprisonné durant sept ans à la Tour de Londres puis exécuté en 1513 pour les sympathies yorkistes de la famille. Charles Brandon devenait l'un des trois Pairs les plus importants et l'un des propriétaires terriens les plus riches du pays.

ELIXIR DE JEUNESSE POUR LOUIS XII

A la mort de son épouse Anne de Bretagne en janvier 1514, Louis XII n’a que deux filles : Claude et Renée. Claude est fiancée à François d’Angoulême, héritier du trône de France. Le Roi se résout à célébrer les noces du couple : François épouse Claude, et avec elle la France, en mai 1514.

Louis XII, qui se résigne mal à la perspective « de voir la couronne échoir à son gendre », n’a pas dit son dernier mot. Il veut un héritier de son sang : afin de sceller la paix avec le royaume d’Angleterre, une clause prévoit le mariage de Louis XII avec la sœur cadette d’Henri VIII, la jeune et belle Marie Tudor. Les négociations sont rondement menées par le souverain français, cinquante-trois ans, pressé de convoler avec cette jeune fille de dix-huit ans.

La princesse n’a pas consenti à cette union de gaieté de cœur.
Avouant à son frère Henri VIII son amour pour Charles Brandon, elle refuse de quitter l’Angleterre.

Henri VIII sait trouver les arguments pour la convaincre : Louis XII se fait déjà vieux, cette union ne durera probablement que quelques années. Et la Cour de France est un endroit si délicieux ! Marie, fine mouche, pose alors une unique condition à son départ : une fois veuve, elle pourra épouser qui bon lui semble. Henri VIII accepte.

Lorsqu'elle épouse Louis XII de France, Marie d'Angleterre a 18 ans alors que son époux en a 52.

Ce mariage redonne un peu de vigueur au roi, veuf d'Anne de Bretagne depuis quelques mois seulement et dont la santé se dégrade. De plus, le roi veut un fils de la nouvelle reine pour empêcher que la couronne ne passe à son cousin, le futur roi François Ier.

La reine, quant à elle, pourrait également souhaiter un fils pour garder son titre et ne pas être renvoyée en Angleterre après la mort de son époux, mais les jours du roi semblent comptés.

Débarquée le 2 octobre 1514, les vêtements « éclaboussés d’écume », Marie est escortée d’une suite fastueuse. Henri VIII n’a pas lésiné sur les dépenses : deux mille chevaux et deux mille archers, et les plus grands noms de la noblesse d’Angleterre.

C’est François d’Angoulême, futur François Ier qui est chargé d’aller emmener la nouvelle mariée vers son époux. Le jeune François est tout de suite conquis par la beauté de la jeune princesse, blonde, aux yeux bleus avec un teint de lys et un corps de rêve.

Le 10 octobre, Marie fait sa première entrée officielle dans le royaume, à Abbeville. Louis XII est venu à sa rencontre.

Marie est fort belle. Montée sur un cheval blanc, elle porte une robe de drap d’or cramoisi et un chapeau de soie assorti. Pulpeuse, la peau translucide, elle rayonne. François d’Angoulême est également sous le charme, même si l’arrivée d’une nouvelle Reine de France n’arrange pas ses affaires, risquant de modifier l’ordre de succession.


Marie, en revanche, n’est guère séduite par son époux. Elle le trouve même pire qu’elle ne se l’était imaginée.

Le Roi ne quitte pas sa femme, et le mariage est consommé le soir même. Le souverain, dès le lendemain, semble « très jovial et heureux ». Marie, quant à elle, garde le silence sur sa nuit de noces.

MAITRESSE DU FUTUR FRANCOIS Ier

Louis XII est séduit par sa femme. Il n’aime rien tant que de l’entendre chanter ou jouer du luth, et la couvre de bijoux. La jeune femme se laisse cajoler, tout en trouvant le Dauphin François fort bel homme et « amusant compagnon ». Nul doute qu’entre cette Reine de dix-neuf ans et cet héritier de vingt ans, un flirt de leur âge s’instaure rapidement. François est sous le charme des yeux bleus de Marie, de ses cheveux blonds cendrés et de son corps superbe.

À la cour, Marie et François sont de plus en plus proches et on prétend qu’ils sont amants.

Mais Marie n’a d’yeux que pour son cher Suffolk, fort opportunément nommé ambassadeur et donc venu la rejoindre à la Cour de France quelques semaines après son débarquement.

Marie continue sa relation avec Suffolk et, en même temps, s’offre à François, « tenté et retenté des caresses » de la jeune Anglaise.

Elle réussit le tour de force d’être doublement adultère, tout en épuisant le vieux roi.

Rapidement, Louise de Savoie, l’ambitieuse mère de François d’Angoulême, s’inquiète de cette jeune Marie Tudor et va y mettre bon ordre.

Louise de Savoie, la mère de François, s’oppose à cette liaison, en faisant dépeindre à son fils le danger qu’il court en étant toujours avec Marie. Louise de Savoie voit le manège et sermonne son fils. Ne voit-il pas que tout ce que veut la reine, c'est un fils ! Et que si c'est le cas François restera duc d'Angoulême, et son bâtard règnera sur la France ! François n'écoute pas, il est éperdument amoureux, qu'importe ce qui arrivera.

Marie est un danger pour les ambitions de Louise.
Car même si Louis XII ne peut vraisemblablement plus avoir d’s, il se pourrait très bien qu’elle tombe enceinte d’un autre et le fasse passer pour légitime. De son fils François d’Angoulême ou de Charles Brandon ?

Dès lors, Louise de Savoie établit autour de Marie un discret cordon sanitaire. Marie est en fait toujours amoureuse du duc de Suffolk, mais encore espère-t-elle un prompt retour en Angleterre. Si elle donne un héritier à Louis XII, il lui sera impossible de réaliser ses plans. En outre, elle n’a aucune ambition ni génie politique, et le statut de reine mère et de Régente ne l’intéresse pas.

Même chose pour Suffolk. Pourquoi prendrait-il le risque de donner un fils à Marie alors qu’il a de grandes chances de pouvoir l’épouser dans un futur proche ? Il part d’ailleurs au milieu du mois de décembre, chargé de transmettre à Henri VIII un nouveau projet d’alliance contre l’Espagne.

L'amant parti, Marie tente de le remplacer par François, en l'embrassant sur les lèvres, en le couvrant de caresses, en lui faisant les yeux doux, bref elle ensorcelle son « gendre ».

LOUIS XII Y LAISSE SES DERNIERES FORCES !

Louis XII paraît quelques temps retrouver une seconde jeunesse dans les bras de son Anglaise, jeune et voluptueuse. Pourtant, l’illusion ne dure pas. Il de ses forces. Il l’assaille de ses galanteries pour lui faire oublier son âge, mais le Roi de France ne peut plus se permettre ce genre de folies. Il dépérit à vue d’œil.

Il honore si gaillardement et si souvent sa moitié qu’il en tombe malade d’épuisement juste après Noël.

Le roi meurt le 1er janvier 1515 de consomption, trois mois seulement après que le mariage a été célébré. On internera tout de même Marie 40 jours à l'hôtel de Cluny afin de s'assurer qu'elle ne porte pas d' !

LA REINE BLANCHE ET LE BEAU DUC DE SUFFOLK

François Ier fait surveiller étroitement la "reine blanche" (couleur du deuil à l'époque), car toute grossesse pourrait l'écarter du trône. Ce sera une période d’angoisse pour François Ier et surtout pour sa mère Louise de Savoie.

Marie garde de son mariage un bijou somptueux, le fameux Miroir de Naples, un diamant inestimable. Le nouveau Roi François Ier, qui décidément trouve sa belle-mère à son goût, lui propose de rester en France avec un douaire confortable et d’épouser un duc, celui de Lorraine ou celui de Savoie. Elle refuse.

Après son sacre, et malgré la grossesse de sa femme, la reine Claude, le nouveau roi François Ier veut aurait envisagé de répudier sa femme et d’épouser la jeune et jolie veuve de Louis XII. Encore, c’est la reine-mère, Louise de Savoie, qui s’oppose à cette idée, en montrant à son fils, qu’il peut perdre la Bretagne.

Il est avéré qu’à la fin de cette période de quarantaine, après avoir refusé les propositions de François qui fait tout pour la garder en France, Marie se serait offerte une dernière fois au roi-chevalier.

Pressée de regagner l’Angleterre, Marie se lamente de voir que son frère Henri VIII ne la rappelle pas. Est-il vrai qu’il projette à la marier à Charles Quint ? Alors que le duc de Suffolk est de retour à Paris, elle exige de son amant qu’il l’épouse sur le champ.

Début mars 1515, François Ier la surprend avec Charles Brandon, duc de Suffolk. Il oblige alors la jeune Reine et Brandon, à se marier la nuit même, puis les expédie tous deux le lendemain en Angleterre.

En épousant son amour de jeunesse, qui va s’assagir et lui rendre sa passion, Marie Tudor va essuyer la colère de son frère, qui se radoucit vite. Marie avait épousé Charles Brandon, homme de basse extraction, sans qu'elle ne consulte son frère. Celui-ci, en colère, faillit faire couper la tête du duc de Suffolk mais il sera sauvé in extremis par le cardinal Wolsey. Henri, qui aimait tendrement sa sœur, lui accorda finalement son pardon et le couple put revenir à la cour.

Marie et Charles se marièrent une seconde fois, publiquement, le 13 mai 1515. Elle aura de lui trois s. Elle élève également Anne et Marie, les deux filles que Charles a eues de son premier mariage.

Quant à l'époux de Marie, il ne cessera de la tromper tout au long de sa vie avec plusieurs femmes et ne la traitant pas à l'égard de son rang.

DES RELATIONS COMPLIQUEES AVEC HENRI VIII

Les relations entre Henri et Marie se tendent vers la fin des années 1520 car elle est opposée à la demande d'annulation du mariage de son frère avec sa première épouse, Catherine d'Aragon. Et elle n'apprécie guère la future reine, Anne Boleyn, qui a été l'une de ses dames d'honneur à la cour de France.

Percevant jusqu’à sa mort son douaire français (une rente de 55000 livres tournois), elle introduit à la cour anglaise la culture et la mode françaises. Son rôle politique est limité. Après 1523, retirée dans le Suffolk, elle ne fait que de brèves apparitions à la cour. Elle ne peut se permettre de prendre une position publique de soutien à son amie la reine Catherine d’Aragon, quand Henry VIII demande l'annulation de son mariage pour épouser Anne Boleyn. Malade, elle vit ses trois dernières années à Westhorpe. Elle meurt le 25 juin 1533 à 37 ans, très aimée dans le pays d’après l’ambassadeur de France. Son effigie mortuaire la représente en reine de France, vêtue de ses habits royaux, une couronne et un sceptre d'or, symboles de son ancien pouvoir. Ses s sont inscrits par Henri VIII dans sa succession, après ses propres filles.

LA DAME A LA LICORNE

Marie Tudor reste l’une des rares princesses royales à avoir préféré l’amour à la gloire et, surtout, à avoir pu décider de son sort.

Pierre Gringore a fait le récit de son entrée royale à Paris. Brantôme l’a évoquée à propos de son flirt avec François Ier, que Louise de Savoie aurait stoppé net. Cette rumeur a alimenté en France bien des propos malveillants à son encontre.

Sa vie a été romancée, notamment, en France, par Jean de Préchac (1678) et Marguerite de Lussan (1749). Fontenelle l’a fait dialoguer avec Anne de Bretagne (1683). Son mariage avec Louis XII a fait l’objet d’un opéra-comique, La Basoche (livret Albert Carré, musique André Messager), créé en 1890. Elle est demeurée un sujet de prédilection pour les romanciers et les cinéastes anglo-saxons. En 1981, André Arnaud, ancien cartonnier à Aubusson, a proposé de voir en elle la mystérieuse dame de la tenture La Dame à la licorne du musée de Cluny à Paris, commanditée par Antoine Le Viste et peut-être exécutée à partir de dessins de Jehan Perréal.

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